Il y a des jours où il vaudrait mieux rester au fond de son lit. Des jours comme ça où il valait mieux être dans le noir, le téléphone coupé, avec pour seule compagnie les images qui défilent sur un écran de télévision. Et ça, c'était pile ce que ressentait Keith en observant le plan de travail de sa cuisine en train d'être inondé par une tonne de café noir et brûlant. Il ignorait totalement comment cela avait bien pu se produire. Comme tous les matins, il allumait sa machine d'un geste distrait dans le but d'avoir un café bien chaud le temps qu'il finisse de se préparer. Et là, à la place d'avoir un bon petit déjeuner, il avait carrément le droit à Hiroshima dans la cuisine. Le liquide s'était rapidement étendu jusqu'au sol, formant une flaque bien noire sur le carrelage blanc étincelant. Une main dans les cheveux et le regard perplexe, un très long soupir s'échappa d'entre les lèvres du jeune homme. Pour toute réaction, il arracha la prise de l'engin, et jeta simplement quelques serviettes sur la flaque. Keith n'avait absolument pas le temps de nettoyer avant de partir, et surtout, il n'en avait pas la moindre envie. Une fois le choc de voir sa précieuse machine en miette passée, le jeune homme fit volte face afin de retourner à vive allure dans le salon. Aujourd'hui, le soleil tapait un peu plus que d'habitude contre les baies vitrées de l'immeuble sud de Sacramento. La température devait atteindre plus de vingt-cinq degrés, pour le plus grand bonheur de ceux qui avaient prévu de se prélasser au soleil comme des lézards. Il n'y avait pas un brin de vent et l'océan était calme, même s'il y avait toujours ces énormes vagues qui enchantaient les surfeurs. En un mot, cette matinée s'annonçait radieuse. Keith jeta un rapide coup d'oeil sur l'horloge accrochée non loin du téléviseur, cette dernière affichait onze heures et quinze minutes. Le garçon se laissa choir sur un des fauteuils en cuir qui trônait au milieu de la pièce. Keith détestait vraiment les jours de congés. Se reposer lui semblait totalement impossible, vu l'ennui qui le saisissait à chaque fois qu'il tentait de fermer les yeux. Dormir était une véritable perte de temps, mais surtout d'argent. Il faut travailler plus pour gagner plus, même si ce n'est pas toujours nécessaire, ce qui était son cas. Un instant, son regard se concentra sur la vision que lui offrait les vitres du salon. Au loin, il pouvait apercevoir l'eau turquoise de l'océan. La ville semblait calme, comme si elle était plongée en léthargie. Keith inspira doucement et profondément. Maintenant, il devait absolument trouver quelque chose à faire de journée, de préférence avant de faire une crise de nerfs. Le jeune homme énuméra rapidement toutes les possibilités qui s'offraient à lui. Il aurait pu rendre visite à des amis, ou bien même se rendre à San Francisco, pour aller voir ses parents... Une grimace déforma rapidement les traits de son visage. Ses parents ? Pas question. Il n'avait aucunement l'intention de devoir jouer au golf avec son père tandis que sa mère, derrière, s'occuperait à le déconcentrer en lui racontant leurs dernières vacances. Un soupir s'échappa à nouveau de ses lèvres. Il n'avait franchement pas envie de voir ni ses parents, ni ses amis et encore moins sa petite amie, si on pouvait l'appeler ainsi. Pour une fois, il voulait juste être seul, tranquille. Peut-être que ce soir il irait dans son bar favoris, avec quelques amis. Mais pour le moment, la seule chose dont il avait réellement besoin, c'était d'un bon café bien noir, histoire d'avoir les idées un peu plus claires. Sur cette pensée, Keith se leva sans difficulté de son confortable fauteuil. Puisqu'il faisait beau, il allait même en profiter pour sortir sa moto, qui était dans son garage depuis plus d'un mois. Sans même prendre la peine de nettoyer le chaos qui régnait dans la cuisine, l'américain saisit les clés qui trônaient sur un meuble à l'entrée de l'appartement. Prendre l'air lui ferait le plus grand bien.

Juché confortablement sur sa moto, Keith roulait au maximum sur une grande route qui menait tout droit au centre-ville de Sacramento. L'air qui lui frappait le visage lui donnait une impression de liberté très agréable. Des embouteillages se formaient lentement sur les voies principales, même si le garçon n'avait pas besoin de se préoccuper de ça. Il contournait allègrement les gros véhicules, allant plus rapidement que n'importe qui. Au bout de dix minutes de voyage, le jeune homme aperçut le café dont tout le monde disait de bien en ville. Ce café avec un nom pas très original. Qui pouvait bien appeler son établissement Urban Coffee, en pleine ville ? D'accord, cela avait un sens. Mais aux yeux de Keith, ce nom était tout à fait ridicule. Sans faire attention à quoique ce soit, il bifurqua en direction de la devanture de l'établissement. Il gara sa moto n'importe où, de façon à ne pas se faire voler quoique ce soit non plus. Puis, sans même un regard pour les passants qu'il venait de bousculer dans la petite rue, l'américain poussa la porte de l'Urban Coffee. Dès lors, une agréable odeur de grain de café et de pâtisseries fraîches lui arrivèrent dans le nez. L'endroit était plus que propre, et très bien décoré. Au moins, les gens en ville disaient la vérité. Keith n'eût même pas le temps de s'asseoir qu'une femme qui devait avoir son âge l'aborda afin de prendre sa commande. Pour l'instant, il décida de prendre juste un café noir, sans sucre. Il lui fallait au moins ça pour se réveiller convenablement. Peut-être que cela jouerait également sur son humeur, qui devenait exécrable s'il n'avait pas sa dose de caféine quotidienne. Sa commande prise, Keith se posa à l'une des rares tables libres, juste à côté de la fenêtre, au fond du café. En attendant que la serveuse au visage d'ange décide de revenir avec sa commande, le jeune homme décida de se plonger dans la lecture de ses e-mails, qu'il n'avait d'ailleurs pas eût le temps de consulter sur son ordinateur le matin même. Mais heureusement qu'avec la technologie actuelle, les téléphones aussi, étaient muni d'internet...